Bien entendu, on ne peut terminer (oui, c’est bientôt fini, promis) de telles réflexions sans aborder la question “mais combien ça coûte ?”. Il est clair que nous vivons une époque de transition, plus profonde qu’on ne le pense comme l’affirment les auteurs du livre “Les Netocrates” qui émettent l’hypothèse que nous vivons actuellement le même changement de modèle économique que celui qui a existé lors de la transition du Moyen Âge à l’ère industrielle...
La jurisprudence Radio Head (http://jbp.typepad.com/jb/2007/10/radio-head---le.html) est à cet effet intéressante puisque concernant un secteur où les acteurs économiques sont particulièrement concernés par ces évolutions.
Pour ceux qui n'auraient pas suivi, Radio Head, groupe de musique, a décidé de mettre à disposition son dernier album en téléchargement payant à la discrétion du client (le client décide lui-même du prix qu'il met). Le retour de la quête après le spectacle en quelque sorte. A ce sujet, il faut rappeler que Gustave Parking pratiquait ainsi lors de ses spectacles : prix d'entrée très bas (de sorte à couvrir les frais de locations de salle) et quête à la fin du spectacle (vous complétez à hauteur de votre humeur).
L'expérience Radio Head permet toutefois de disposer d'une étude de marché grandeur nature et de terrain. Ce ne sont pas ici des intentions qui sont recueillies et analaysées. C'est une réalité concrète, qui est celle-ci après une semaine : 1,2 millions d'albums vendus, au prix moyen de... 8 dollars pièce. Près de 10 millions de dollars en une semaine, c'est pas mal, d'autant que c'est directement pour le groupe. En circuit de distribution traditionnelle, le groupe aurait dû attendre la vente de près de 6 millions d'albums (en considérant un prix de vente de 17 dollars - prix habituellement constaté, et une part de 10% pour les artistes - ce qui est généreux).
Il ne faut pas rêver, une telle opération n'est pas à la portée de tous les artistes. Radio Head n'est pas né d'hier et dispose d'une base de fans suffisamment importante pour pouvoir s'affranchir d'une maison de disque et d'intermédiaires de distribution. Ceci étant, cela donne matière à réflexions pour les "majors" de l'industrie musicale d'une part en ce qui concerne le prix moyen d'un album (un "sondage" réalisé auprès de 1,2 millions de personne qui sont passées à l'acte devrait être considéré avec sérieux), pour les artistes en herbe d'autre part qui ont tout intérêt à exploiter les réseaux sociaux pour se développer leur propre amorce de communautés de fans.
Il serait toutefois intéressant de disposer de la décomposition type du chiffre d'affaires d'un groupe musical entre vente de musique, concerts, accessoires (T-shirt et autres gadgets...). Cela permettrait d'éclaircir et positionner correctement le débat sur la vente de musique. On s'apercevrait peut-être que la vente de musique est la part la moins importante (mais je parle des artistes qui sont capables de se produire en concert, pas des compilateurs et autres samplers...). En ce cas, il serait logique de se dire que la diffusion de musique peut être considérée comme une action de promotion visant à faire connaître un artiste pour inciter les auditeurs à venir aux concerts et acheter des accessoires. Si j'osais pousser le bouchon, je dirais que les radios devraient revoir leur modèle économique arguant du fait que diffuser un artiste revient à lui offrir un espace publicitaire...
Pour autant , il est vrai qu’il est difficile actuellement de pouvoir prouver par “a+b” que le transfert des montants publicitaires d’un media de masse comme la télévision par exemple vers le Web garantira à l’entreprise le même impact sur ses ventes. Les études montrent pourtant régulièrement une désaffection des gens pour les médias traditionnels au profit des sites Web où l’on discute, on échange, on consulte, on entre en contact. On pourra toujours arguer qu’à la différence des medias off-line qui sont mesurées par des études, les medias on-line sont mesurées par des chiffres réels... cela ne convaincra personne (sauf les plus lucides) tant les habitudes sont ancrées et satisfont autant les acheteurs que les vendeurs.
Il ne faut simplement pas oublier que l’impact du Web existe alors que justement, les investissements consentis par les entreprises sont encore en queue de budget. Comme le disait le patron d’Intel lors de la première vague Internet, il n’avait pas pris le temps de mesurer le ROI de ses investissements dans les nouvelles technologies, il constatait simplement que les entreprises qui investissaient et y allaient s’en sortaient, tandis que les autres disparaissaient.
Si l’on veut établir une prospective plus poussée dans le temps, on peut se demander si la prochaine étape ne fera pas du client militant un véritable mécène. L’entreprise proposera, les gens disposeront.
L’identification des réseaux et des leaders de réseaux reste le coeur du problème pour les entreprises, première étape nécessaire afin de pouvoir être suffisamment fortes pour fédérer directement ces groupes qui sont autant de militants. J’ai évoqué le sujet un peu plus avant de la possibilité de cartographier (automatiquement ou “à la main”) les thématiques, les points de relais, leurs interconnexions.
Les entreprises sont confrontées par ailleurs à l’agilité et la créativité de la somme des particuliers. Cherchant à tirer profit des phénomènes individuels rencontrant des succès de relais parmi l’opinion, les entreprises et les agences qui les accompagnent, ont développé des mécaniques en se livrant à des jeux d’amateurs qui se sont bien souvent retournées contre elles. Partant du principe que le bouche à oreille entre individus est le moyen le plus sûr et le plus convaincant, les entreprises se sont dispersées au travers d’opérations de “buzz” marketing. Pour ma part, j’estime que l’on a plus souvent à faire à des opérations de « Pschitt marketing » dont l’effet retombe aussitôt, qui ne satisfont que peu de monde. Contrairement à ce beaucoup prétendent, il n’existe aucune recette garantissant le succès d’une opération. Cela relève d’une mécanique émotionnelle impossible à prévoir. Le “buzz” est une alchimie qui relève des mystères de la nature humaine. L’erreur est de considérer que l’on peut faire “à la place de” au lieu de fournir les outils ou de créer les conditions pour qu’un accident se produise.
Finalement, la solution est somme toute assez simple (à écrire, là, paisiblement, seul devant mon écran, un verre à la main...). Il s’agit pour l’entreprise de se retrouver, au sens de ses valeurs. Les gens n’adhèrent pas à un produit ou à un service. Ils adhèrent aux valeurs ; pas celles revendiquées du reste, mais celles qui sont ressenties. On vvoit bien qu’on est d’ailleurs ici encore dans l’affect. A l’entreprise donc de (re)trouver les valeurs qui lui sont propres pour permettre à ceux qui se sentent en affinités d’adhérer, et éventuellement de s’engager.
Ultime étape de ce que nous vivons actuellement dans la modification des relations entre les entreprises et leurs publics, le client devient un militant. Et c’est tout l’art des entreprises qui sauront exprimer des valeurs porteuses de sens pour les gens qui sauront tirer leur épingle du jeu.
Le modèle n’est pas nouveau : il procède de l’associatif, du partage (shareware, voire freeware dans le monde des logiciels), contributif, etc. C’est sa dimension planétaire et son institutionnalisation qui est en train de changer la donner. Qu’on l’appelle Web3.0, Web sémantique…etc. peu importe, la prochaine évolution est que le client sera car il s’identifiera à des valeurs qui sont les siennes, dans lesquelles il se retrouve et pour lesquelles il est prêt à se battre (à coup d’emails ou de commentaires, je vous rassure). Le client devient militant.
La notion de militantisme elle-même évolue. De durable à l’origine, le militantisme devient post-it et à la carte. On zappe d’une cause à une autre. On peut faire un don dans le cadre d’un Tsunami et ne plus revenir vers l’association à qui on a donné. On peut prendre la défense d’une entreprise un jour, et tirer à boulets rouges le lendemain. Selon l’humeur ou les convictions personnelles. De toute façon, ça n’engage à rien, tout est à portée de clic.
Il est à noter que la racine de militant (militantis) conduit naturellement au terme militaire. Paradoxalement, recruter et fédérer des militants relève d’une stratégie martiale, non d’une simple lubie baba-cool.
De leur côté, les entreprises ont commencé par se jouer des frontières et règles étatiques (multinationales), mais l’évolution des normes juridiques leur a doucement mis la pression : le rapport social, le développement durable, la charte éthique… La vision négative est bien entendue de considérer que ces artefacts de rapports n’engagent pas vraiment l’entreprise. Beaucoup de bla-bla qui occupent les directions de la communication et intéressent les agences de communication Corporate. Mais si l’on y regarde de plus près, on se rend compte qu’au cours de la dernière décennie du XXe S, cette pression a tout naturellement conduit les clients à réellement s’interroger sur l’implication des entreprises à la vie de la cité, qui est mondiale. Nike fait produire ses chaussures par des enfants esclaves : appel au boycott. Total est accusée d’être impliqué dans le soutien de la junte militaire en Birmanie…etc.
Bien entendu, trouver des relais d’opinion au dehors de l’entreprise n’est pas non plus un phénomène nouveau. Mais les canaux utilisés jusque-là étaient clairs : principalement les medias, et pour les entreprises les plus avancées le marketing direct. C’est une époque pas si lointaine où l’on cherchait à qualifier des “ambassadeurs” de la marque. C’était l’époque où l’entreprise n’était pas confrontée à la contradiction spontanée, diffuse, massive.
Cette pression ne pouvait que prendre corps au travers du grand chambardement des réseaux sociaux. Par définition, les réseaux sociaux assemblent des personnes physiques. Autrement dit, ils excluent les personnes morales. Une entreprise qui essaie de dialoguer avec des publics ne peut le faire qu’au travers de représentants. Avec le risque que l’on identifie l’entreprise au représentant désigné. Avec la problématique de lâcher la bride au représentant désigné car il ne peut fonctionner au travers de circuits de validations ou de hiérarchise pesants.
Avec la démultiplication des canaux d’expressions et des volumes de discussions, tout s’accélère pour l’entreprise qui se doit de re-découvrir la valeur du frottement (http://jbp.typepad.com/jb/2007/11/labsence-de-fro.html).
Le frottement est nécessaire à la valeur de toute chose. C’est un principe physique majeur que l’on semble de plus en plus oublier (consciemment ou non). Je pense qu’on pourrait analyser les évolutions de ces dernières années sous cet angle de la disparition des frottements dans les moyens de communication. Si j’étais courageux, je pense qu’il y aurait là matière à ouvrage... Cela me semble expliquer l'effet d'emballement général que nous avons tous l'impression de vivre.
Avec l’invention de l’imprimerie (vous voyez, ça remonte à un bout de temps quand même), on a réduit les frottements qui étaient liés à la copie d’une oeuvre. Dès lors, il a été plus facile de dupliquer et diffuser. Avec le développement de la société de consommation, on a ainsi cherché à exploiter ces facilités pour démultiplier les points de contacts (Mass Media).
Quelques années plus tard, avec l’informatique et notamment l’email, on a réduit les frottements liés à la production, et toujours à la duplication et à la diffusion. On a ainsi vu fleurir dans les entreprises des correspondances sur-diffusées à des personnes qui n’auraient jamais été destinataires auparavant. On a également vu fleurir les fameux “spams” qui engorgent toujours plus de boîtes aux lettres. Dès lors qu’une entreprise n’a plus à payer de papier ni de timbres pour correspondre avec des contacts, elle perd le recul nécessaire à la valorisation de ce qu’elle a à dire et à qui. On commence à mesurer les effets de la chute des coûts de communication (téléphone) avec le nombre exponentiel d'appels commerciaux que l'on reçoit désormais chez soi.
Quelques secondes plus tard, avec le développement du Web, et il y a quelques centièmes de secondes avec le WEB2.0 et le développement des réseaux sociaux, c’est la perte des frottements liés à la découverte et aux étapes de consolidation de la notion de contact, et enfin de celle d’ami qui a est venue accélérer le cours des choses. On a ainsi vu fleurir ce concept de buzz, qui pourrait bien être le “spam” de demain.
Contrairement à ce que l’on pense, le développement des infrastructures informatiques et des moyens de communications ne tend pas à améliorer et affiner la connaissance des cibles ou des clients. Par la perte des effets de frottements, cela développe en fait des mécaniques qui deviennent de plus en plus difficiles à contrôler. Sauf à s’interroger sur les frottements nécessaires à mettre en oeuvre, ou sur l'organisation permettant de supporter les facteurs d'accélération nouvellement créés.
Ce qui était une préoccupation devient un véritable défi. Les entreprises doivent désormais être en mesure d’identifier qui parle d’elle ? Où ? En quels termes ? Avec quel potentiel de diffusion ?
L’entreprise devient poreuse. Sur des sites comme Facebook, les gens entrent en relation aussi bien pour des raisons personnelles que professionnelles. La jeune génération (Y Generation) ne connaît pas forcément les règles pesantes des circuits de validation et de la hiérarchie de prise de parole. Un commentaire est si vite expédié. Une note sur un projet de l’entreprise est si vite publiée. “Oui, je dis sur mon site où je travaille. Mais c’est MON site.” Tel est en synthèse le fossé culturel auquel peut être confrontée l’organisation de l’entreprise.
Mais au-delà, de cette sphère relativement identifiable et personnifiée, se trouve la cohorte des gens qui ont un avis. Vous, moi, votre voisin, le lecteur résidant à l’autre bout de la planète. Ce peuvent être des avis individuels, groupés, organisés, ou épars... qui sait ? Même non organisée, la somme de ces avis peut constituer un fond de référence pour qui cherche des informations. La question est alors vraiment de pouvoir s’organiser pour dans un premier temps identifier ces sources d’informations de sorte à disposer régulièrement (en permanence ?) d’une photographie des masses de communications vous concernant. Si l’identification manuelle reste possible via l’utilisation de quelques moteurs ou sites spécialisés : Google, Technorati, Blogpulse, GoogleTrends...Etc. Il n’en reste pas moins que c’est un vrai travail de Titan qui nécessite une bonne maîtrise de ces canaux et surtout de ce que l’on recherche. Il reste que la veille de ces supports et l’analyse est forcément limitée sur le plan humain.
Les outils évoluent et l’analyse sémantique progresse. Quelques solutions existent ainsi qui permettent d’identifier les sources utiles (en partant d’un point de référence) et dégager les qualificatifs auxquels vous êtes associé. Le sujet est encore balbutiant, mais c’est vers ces domaines qu’il faut dès à présent se pencher. Les études d’images selon les méthodes traditionnelles sont très insuffisantes. Il faut dès à présent faire évoluer les organisations pour apprendre à gérer des masses phénoménales d’informations, clusteriser ces masses afin de se donner des points de repère, pouvoir identifier les signaux faibles qui peuvent préfigurer les crises de demain, ou de la journée. Bien entendu, la complexité suprême réside bien entendu dans le fait de pouvoir gérer des avis contradictoires... Il ne s’agit pas de faire plaisir à tout le monde. Cela n’aurait aucun sens. Si l’on définit en marketing des “cibles”, c’est bien qu’il existe des catégories de personnes qui ne sont pas dans la cible, qui seront enclines à être négativement critiques dès lors qu’on leur donne la parole. Est-ce si grave ? Par rapport à une “cible” souhaitée qui exprime un avis négatif ou une attente non satisfaite.
Identifier reste la première pierre de l’édifice. Il faut ensuite définir les messages à faire passer, les manières d’engager le dialogue, selon les cibles et les différents canaux de communication. On ne dialogue pas de la même manière au travers d’une plate-forme de réseau social qu’au travers d’un service de micro-blogging.
Une autre piste envisageable lorsque des thématiques et attentes fortes se dégagent peut être de créer des espaces de dialogue, des sites dédiés à une thématique de débat. Il est du reste conseillé de procéder ainsi pour plusieurs raisons. Le cadre d’un débat permet une modération qui peut être facilement comprise (c’est intéressant, mais c’est hors sujet...), qui se maîtrise mieux, qui permet de s’engager de manière plus volontaire et participative. Le débat ne consiste pas seulement à ouvrir un espace, faire un peu de saupoudrage de communication pour inviter les gens à prendre la parole. Il faut les remercier, les renvoyer à d’autres prises de paroles, expliquer ce qui a été compris de la prise de parole, ce qui va s’enclencher comme processus de changement ou d’adaptation au sein de l’entreprise, quand, comment...etc.
Le premier bouleversement pour les entreprises, qui commençaient à peine à apprivoiser ce nouveau canal de communication, est que le client dispose de la même puissance de prise de parole que l’entreprise. La barrière technologique s’est effondrée. Les entreprises sont confrontées à une réelle fracture numérique qui les rendent obsolètes au regard de leurs collaborateurs (http://jbp.typepad.com/jb/2008/06/les-entrepris-1.html).
Il y a quelques années, il était préférable de se rendre dans son entreprise pour pouvoir disposer des dernières technologies de communication disponibles. Ces appareils derniers cris n'étaient pas à la portée de toutes les bourses, aussi était-il confortable de pouvoir les utiliser depuis le bureau. Quelque part, l'entreprise avait une dimension économique qui dépassait le salarié qui était reconnaissant de pouvoir disposer de ce confort.
Petit à petit, l'entreprise a perdu pied et il est arrivé que le dernier ordinateur, le dernier téléphone portable...etc. soit facilement disponible pour le particulier, quand le service achat se débattait dans des contrats pluri-annuels qui l'empêchaient de pouvoir renouveler simplement ces outils.
Ce qui est beaucoup plus grave actuellement est que cet écart entre ce qui est "librement", tout du moins simplement, disponible pour un particulier, se creuse en matière d'applications. L'intelligence applicative est en train de devenir plus forte hors des murs de l'entreprise...
Nombre de salariés ont ainsi de plus en plus de mal à comprendre pourquoi leurs applications informatiques ne ressemblent pas à ces réseaux sociaux qui permettent de rapidement trouver une personne et d'entrer en contact avec elles, à ces services d'agrégation d'informations qui permettent de se construire son media personnalisé quand l'Intranet ne met à disposition que du communiqué de presse sans saveur ou quand les accès Internet sont limités, à ces services de messagerie qui permettent de se grouper en noyau dur, à ces plates-formes qui permettent de facilement construire des albums photos, proposer des documents à télécharger, publier des contenus, publier depuis son téléphone mobile...etc.
Dire que le client dispose de la même puissance de prise de parole que l’entreprise porte des conséquences qui vont au-delà du simple fait de pouvoir mettre du contenu en ligne. Car le client qui s’exprime est plus agile, plus mobile, plus réactif. Pire, il est de plus relié à divers écosystèmes qui lui permettent de s’activer lorsqu’il reçoit des stimuli externes de gens qui lui sont proches (au sens du lien réseau, pas forcément au sens de la proximité humaine). Il peut lui-même être émetteur, ce qui signifie que lorsqu’il s’exprime, c’est rarement individuellement, mais comme le premier d’une longue chaîne.
Le marché devient donc une grande discussion qui ne s’arrête jamais. Le client s’exprime. Mais pas seulement. Il commente, il note, il classe…
L’entreprise qui maîtrise ce nouvel activisme s’impose (La Fraise). Celle qui ne veut pas tenir compte de cette implication volontaire ne cherche qu’à ériger des barrières (distributeurs de produits culturels, commissaires priseurs).
Lire la suite "2.Le clien devient consomacteur / 2.2 L'entreprise obsolète" »
Le Web regorge de définitions relative au WEB2.0. Pas la peine d’entrer dans le détail, sauf éventuellement à vous renvoyer sur Wikipedia (http://fr.wikipedia.org).
L’adjonction d’un numéro de version ou d’évolution à ce qu’était le Web s’est imposé car le changement de paradigme est tout de même d’importance. D’une époque où la maîtrise technique était nécessaire pour publier une information sur le Web (écrire en HTML, transférer des fichiers via FTP...Etc.), on est passé à une époque où le formulaire permet à chacun de s’exprimer (les connaissances sont du niveau de maîtrise d’une boîte email) et où les applications sont de plus en plus accessibles sous forme de boîtes que l’on peut appeler, empiler, enchaîner... pour créer de nouveau services (voir le service YahooPipes de Yahoo!).
Vous voulez vous exprimer sur Internet ? Vous pouvez créer votre propre site à partir d’une plate-forme directement accessible et gérable en ligne (Blogspot, Wordpress, Typepad...Etc.). Vous voulez intégrer une gestion cartographique à votre site. Vous pouvez utiliser Google Maps. Vous souhaitez utiliser des photos ou des vidéos ? Vous utilisez Flickr, Youtube... Vous souhaitez relayer du contenu provenant d’autres sites ? Vous pouvez utiliser les flux RSS.
En fait, le WEB2.0 se caractérise par deux propriétés fondamentales : la modularité et la périphérie. La modularité s’exprime par les exemples donnés précédemment. Si l’on remonte d’un cran, on peut également percevoir cette modularité par le fait que le site Web n’est plus suffisant en tant que tel. Le Web se compose de réseaux de réseaux plus ou moins interconnectés qui imposent de pouvoir se déployer et s’exprimer sur chacun de ces modules. La périphérie exprime quant à elle cette propriété qui décrit une situation où la référence, le volume, la confiance parfois, ne sont plus au centre du dispositif émetteur. Ce sont tous les espaces d’expressions entre personnes qui font sens pour les personnes, plus que les émetteurs officiels.
Troisième partie. Pour la suite, on va commencer à rentrer dans le sujet du Web2.0 ;-)
Si le réseau Internet date de la fin des années 1960, c’est la mise en place du système de pages d’informations avec des navigations hypertextes dans les années 1990, et la création de l’email qui déclenchent l’explosion du Web.
Avec l’arrivée du Web, c’est l’ère de la communication permanente. Toute entreprise peut exister et communiquer au travers d’une vitrine consultable depuis n’importe quel point du globe (enfin presque), et ce 24 heures sur 24.
Plus qu’une présence permanente, l’entreprise est contactable à tout moment au travers de l’email, par n’importe qui.
Avec d’un côté le site Internet, vitrine permanente de l’entreprise, et de l’autre côté l’email et son corollaire la newsletter, les communications vont se démultiplier au-delà de ce qu’on pouvait imaginer. Les relations entre une entreprise et son environnement, prospects et clients, vont ainsi considérablement évoluer.
Mais cela peut rapidement ressembler à un dialogue de sourds. Il ne coûte en effet plus grand-chose de s’adresser à des millions de contacts. Comme le révélait une étude de l’agence Australie, le client aime les marques, mais supporte de moins en mois leurs formes d’expressions - (http://jbp.typepad.com/jb/2007/11/le-dfense-immun.html).
Censés améliorer et fluidifier les relations, ces outils vont agir bien souvent comme des catalyseurs de frustration. Frustration pour les clients donc, mais frustration pour les entreprises également qui doivent prendre en compte tout et n’importe quoi. Qui doivent donc au préalable hiérarchiser, organiser, filtrer, distribuer. Mais c’est un problème qui n’a d’ailleurs pas encore trouvé sa solution idéale que de savoir redistribuer à qui de droit une demande d’information qui tomberait dans un vaste pot commun.
Ce besoin de fluidifier la circulation des flux d’informations va malgré tout impacter l’organisation et le développement des applications informatiques. On commence à parler de « webisation » des process. Mais on vient à peine de digérer la mise en place des structures informatiques existantes faites de gros serveurs, grosses bases de données, ERP qu’il a fallu adapter à l’entreprise à coûts de consultants et développeurs qui ne sont pas neutres et pour lesquels les retours sur investissements sont à peine maîtrisés. Il ne faut pas oublier également l’introduction de l’euro et le bug de l’an 2000 qui se profile…
Milieu, fin des années 1990 apparaissent sur le marché de jeunes entreprises qui partent de rien en termes d’infrastructures, mais avec la pleine compréhension de la dimension « fenêtre sur le monde » qu’est le Web. Les premières générations sont « webocentriques ». Elles s’attaquent à faciliter la navigation, la recherche d’informations, les échanges de communications. L’email n’est accessible que depuis un ordinateur de l’entreprise ? Qu’à cela ne tienne, on invente le Webmail. Vous trouvez qu’il y a trop d’informations (déjà !). Qu’à cela ne tienne, on invente les premiers index (Yahoo, Lycos…), ou les premiers moteurs de recherche (Google).
Très rapidement, certains s’attaquent au sujet de la distribution physique. Vous pouvez commander quand vous voulez, d’où vous voulez. Certes, même si on comprend que les problèmes de logistiques (stockage, distribution) vont être énormes, on se dit que l’économie se fait sur l’absence de magasins physiques, plus une zone de chalandise qui est mondiale. Devant le pas de porte peut défiler toute la planète. Autant dire que ce pas de porte a une valeur inestimable. Plus que de vendre, l’important c’est d’avoir le plus de passant devant la vitrine, parfois dans les allées du magasin.
Ces entreprises sont mues par une conviction profonde de participer à une révolution du commerce et des échanges autrement plus importantes que la révolution industrielle, l’apparition du chemin de fer ou du téléphone. Elles ont un fonctionnement moins hiérarchiques que les entreprises traditionnelles. Elles attirent ainsi une frange importante de jeunes recrues qui ne veulent plus travailler comme Papa. Elles ne veulent pas faire carrière, elles veulent se réaliser.
A l’éclatement de la bulle Internet, nombre de ces employés vont revenir à des entreprises plus traditionnelles, mais en conservant malgré tout des modes de fonctionnement qui vont modifier la donne. La Webisation évoquée plus haut prendra réellement corps avec l’arrivée de ces profils de collaborateurs à des postes à responsabilités dans les entreprises traditionnelles. Ils ont l’habitude de travailler à distance. Il va falloir ouvrir les messageries pour qu’elle soit accessible au travers d’Internet depuis des points d’accès externes à l’entreprise. Il va falloir leur permettre de disposer de toutes les ressources du bureau, mais sur un espace virtuel. Ils ont l’habitude de travailler avec des fournisseurs basés à l’autre bout de la planète. Il va falloir permettre l’ouverture des procédures d’achats, de sourcing à des entreprises dont on n’a jamais vu le ventre bedonnant du commercial attitré. Ils connaissent le Web, y compris dans sa dimension technique. Il va falloir que les DSI s’adaptent à devoir traiter avec des directions capables de leur imposer des solutions, et se débrouillent comme elles peuvent pour les intégrer à leur plan d’urbanisation.
Cette première étape développe également l’apparition des premiers comportements du tout gratuit. Tout est numérisable. A partir du moment où un produit est numérisé, il est distribuable à l’infini à un coût proche de zéro. Dès lors, commence la grande remise en cause de ce qui fait réellement la valeur d’un produit ou d’un service. Pourquoi payer des cabinets d’études de marché quand il suffit de coller un stagiaire derrière un moteur de recherche ? Pourquoi payer une musique qui peut se répliquer à l’infini ? Pourquoi payer des photographes quand il suffit de faire « enregistrer sous » pour disposer du visuel que l’on est en train de consulter. Je ne développe pas les problématiques de droits de propriété. Je relève simplement le fait que tout ce qui a une dimension numérique n’ a que très peu de temps une valeur marchande. Il ne s’agit plus de commander ce que l’on veut, quand on veut, d’où on veut. Il s’agit de récupérer…
Au sujet de ce qui a une valeur marchande sur Internet, il faut relever la très (très) bonne analyse de Kevin Kelly(http://www.kk.org/thetechnium/archives/2008/01/better_than_fre.php) concernant ce que l'on peut faire payer sur Internet. C'est évidemment la grande question pour de nombreuses industries des services, de l'information, des loisirs, des logiciels...etc. Pour ceux qui auraient la flême d’aller lire cette note en anglais, je « traduis » et synthétise son contenu. Voici donc 8 critères qui vous donnent le droit de faire payer sur Internet :
- immédiateté
Tôt ou tard, ce qui est numérisable sera disponible gratuitement pour tous. En revanche, faire partie des premiers à posséder reste un argument fort pour certains, qui sont prêts à payer pour cela. Il n'est qu'à voir ces opérations de mise à disposition de livres dès minuit (ouverture exceptionnelle du magasin), les files d'attente devant les cinémas pour la sortie en avant première du dernier Star Wars ou Harry Potter, la possibilité de pré-commander sur Amazon...etc.
- personnalisation
Disposer d'un enregistrement de concert calibré pour que le son soit parfait selon la configuration de mon habitat a de la valeur. Pouvoir structurer l'organisation des informations de mon journal en ligne a de la valeur.
- support et analyse
Le monde du logiciel libre, notamment Unix, a bien compris ce critère. Unix est gratuit. Le manuel d'explications, le support avec des spécialistes, les formations... sont payantes. Il semble que cela soit un des paris de Mediapart (abonnement payant exigé) de développer des analyses qui remontent aux origines d'une actualité (historique du financement de la télévision publique par exemple dans le cadre de la volonté actuelle de supprimer la publicité)
- authenticité, qualité
Garantir la qualité d'un produit numérique peut motiver à payer pour cela. Je peux gratuitement télécharger de la musique ou des films sur des plates-formes peer to peer, mais je ne suis pas à l'abri d'une qualité défectueuse (image, son...) ou d'un contenu sans rapport avec l'objet (le film X planqué derrière un titre standard).
- accessibilité (multicanal, multiformat)
Pouvoir disposer du produit ou du service sans être limité à un seul support a de la valeur. Je veux consulter depuis mon ordinateur, depuis n'importe quel ordinateur, depuis mon PDA, mon téléphone, ma télévision, mon système de projection holographique...etc.
- personnification
L'échange et l'interaction humaine ont de la valeur. La musique est libre, mais la performance de type concert est payante. La mise en place d'un forum ne coûte quasiment rien. L'animation et la modération ont de la valeur.
- mécénat
La dimension militante va se développer de plus en plus (cf. le client militant). Les gens sont prêts à payer pour soutenir une action ou une production remarquable et originale. Appliquée à la mondialisation des échanges et à la longue traîne, cela peut créer beaucoup de zéros à la fin.
- visibilité
La production numérique dépasse de loin la capacité humaine d'assimilation. Offrir de la visibilité constitue dès lors une valeur essentielle.
N'ayant absolument le temps de rien en ce moment, je piétine concernant la rédaction de mes réflexions (sera-ce un livre un jour ?) sur le client militant. Cela me permet toutefois de laisser mûrir le sujet et d'y réfléchir par bribes.
Il m'apparaît que le souci de tout commerçant est de pouvoir se positionner sur une allée passante. C'est bien la raison pour laquelle il est beaucoup moins coûteux de s'installer dans une rue peu fréquentée que dans un centre commercial. En matière de e-commerce, on ne paye (pas trop) quel que soit l'endroit où l'on installe sa boutique. En revanche, la valeur du pas de porte est un investissement qui peut se réaliser de différentes manières : référencement, publicité, partenariats... Un des investissements les plus rentables me semble être le développement d'une communauté de passants avec qui il va falloir ne pas hésiter à discuter, pour s'en faire des amis de premier plan, des soutiens actifs. Des militants.
Je remarque de ci, de là sur le web nombre de projets qui ne sont au départ que des blogs spécialisés sur une thématique précise : mode, cuisine, jouets, gagdets, photos...etc. Se posent pour nombre d'entre eux à un moment donné la question fatidique : mais que faire de ces milliers de visiteurs qui passent me voir tous les jours et qui m'écoutent lorsque je les conseille sur tel ou tel produit ou service ?
La solution la plus simple peut-être d'intégrer des partenariats d'affiliation. L'auteur du site se concentre sur une démarche éditoriale. Ses espaces partenaires captent certains d'entre eux pour des actes d'achats, dans la continuité de la discussion.
Mais pour certains, se développe la volonté de vouloir construire quelque chose et de pouvoir proposer en matière de suivi client ce qu'ils ont amorcé en matière d'échanges de discussions. Ils mettent alors les mains dans le mix produit, le sourcing, la logistique, le service après-vente.
A mon avis, il n'y a pas photo entre un porteur de projet ayant une bonne idée de boutique mais se lançant quasi d'une feuille blanche et un porteur de projet qui ne fait que capitaliser sur une communauté déjà en place.
Pour ceux qui ont déjà une boutique en place, il n'est pas encore trop tard. Le coin café peut très bien se mettre en place, mais il ne faut pas tarder. Personnellement, lecteur régulier de Daniel Broche, je sais que mon prochain achat de produits électroménager se fera dans sa boutique Discounteo plutôt que chez les traditionnels marchands de ce type de produits.
D'une manière générale, au travers de son blog, je connais le patron de la boutique. Je sais que je pourrai m'adresser à lui si j'ai un souci avec mon achat. Je sais que je suis en phase avec l'homme quand il se permet de se livrer un peu plus. Même si on n'est pas physiquement à proximité, le blog permet de recréer cette dimension affective du commerçant de quartier.
Les commentaires récents